Le tour du monde en fauteuil roulant : la vanlife de Samuel Marie
Vanlife stories
24 avril 2021

Le tour du monde en fauteuil roulant : la vanlife de Samuel Marie

« J’aime quand ça bouscule, que les choses avancent. Ça n’est possible que si l’on bouge voir ce qu’il se passe ailleurs. »

Aujourd’hui, Vanlife Stories vous emmène pour un voyage, un voyage sur la route de Samuel Marie.
Sa route à lui, elle est sinueuse et accidentée, mais à la sortie du virage, l’on se rend compte qu’elle fait sa force, aussi.
L’adrénaline faisait partie intégrante de la vie de Samuel, si bien qu’il en avait fait son métier en tant que cordiste professionnel. Quand soudain… Après une chute qui lui affecte sa mobilité des bras et des jambes, sa vie bascule.

Si cette expérience aurait bu briser l’existence de beaucoup d’entre nous, cet aventurier dans l’âme ne s’avoue pas vaincu pour autant et tente de se relever de cette épreuve. 30 opérations et 4 ans de rééducation plus tard, Samuel repart à l’aventure au volant d’un van spécialement aménagé pour lui.
En 2017, il crée son association « Samfait rouler » et lance même le premier Handi-roadtrip ! Son objectif ? Parcourir le monde dans une démarche d’observation de ce qui se fait ailleurs en matière d’accessibilité mais aussi de rapporter en France les actions qui semblent prometteuses. Son initiative lui a même valu d’être l’invité personnel du président de la République Emmanuel Macron à l’occasion de son voyage d’Etat aux États-Unis, en 2018.
Grâce à son association, Samuel a pu voyager dans 22 pays au volant de son fourgon, et a parcouru 75 000 km répartis sur 3 continents. Il est même la première personne tétraplégique au monde à être allé en Antarctique !

S’il décrit son histoire dans son livre Avance Bordel, L'aventure extraordinaire d'un tétraplégique autour du monde paru en 2019 aux éditions Dunod, notre vanlifeur du jour nous a également fait l’honneur de nous la partager avec nous… et avec vous !



Un besoin irrépressible d’avancer 

Samuel a toujours eu besoin de mouvement dans sa vie. Pour lui, fantasmer sur place sans bouger n’a que très peu d’intérêt. Au contraire, pour notre vanlifeur, il faut bouger, voyager car « si un mouvement s’initie, alors beaucoup de choses peuvent se mettre en place. Une dynamique se créé ».
De cette dynamique porteuse, notre aventurier n’en a eu conscience qu’après son accident qui l’a poussé à reconsidérer le monde autour de lui : « je suis maintenant assez dépendant des gens qui m’entourent. Pour le moindre geste, j’ai besoin de solliciter les autres. Cela remet beaucoup de choses en perspective et par conséquent, cela rend le besoin de mouvement d’autant plus nécessaire. »

Le voyage pour se relever du drame

En effet, il y a un peu plus 10 ans, Samuel – qui était cordiste de métier – fait une chute de 6 mètres durant une opération de débroussaillage à la citadelle de Besançon. Cette chute lui brise les vertèbres n°6 et n°9, affectant sa mobilité des bras et des jambes, limité toutefois par 30 opérations et 4 ans de rééducation.
À l’issu de ce parcours de combattant, loin de se laisser abattre par cet accident, Samuel est déterminé à retrouver les plaisirs qui étaient les siens, tout en s’adaptant à son nouveau corps : « Le fait d’avoir été nomade avant m’a beaucoup aidé car j’ai tout de suite voulu reprendre mon véhicule et de me balader avec durant la journée et les week-ends. »

S’il se déplaçait régulièrement chez des amis à l’occasion de week-ends de retrouvailles, Samuel se sentait toutefois dépendant d’eux, d’autant plus qu’ils n’avaient pas nécessairement d’équipements ou d’aménagements adaptés à ses besoins : « je me rendais compte que mon handicap faisait que certaines choses habituellement anodines étaient devenues véritablement complexes », nous confie-t-il.
Ainsi, pour pallier ces difficultés, le vanlifeur fait aménager dans son véhicule, un lit spécialisé lui permettant d’y dormir ponctuellement, aidé par des infirmiers bénévoles qu’il trouvait en postant des annonces dans les écoles. Progressivement, Samuel y prendre goût et joue les prolongations : « C’est comme ça que j’ai repris un peu la vanlife, tout en simplifiant mon quotidien. Je peux me balader à droite et à gauche sans avoir besoin d’être dépendant des gens pour dormir ».

Un fourgon aménagé complètement réadapté

Si Samuel a complétement revu l’espace de conduite de son ancien Sprinter de telle sorte à ce qu’il soit accessible pour lui, il a toutefois confié à un professionnel, l’aménagement et l’optimisation de l’espace de vie avec simplement le strict nécessaire : « Un lit avec un dossier qui se relève et un petit espace de cuisine. J’ai également intégré un système de chauffage et de climatisation. Cela reste assez simple, mais pour moi, chaque geste demande beaucoup d’énergie ». Pour Samuel, il était donc important de réduire l’aménagement au minimum vital dans la mesure où chaque déplacement lui demandait beaucoup d’énergie : « Quand je rentrais au bout de 10 jours, j’étais rincé ».

Progressivement, grâce à son association Sam Fait Rouler, Samuel obtient des fonds de la part de sponsors, de centre de rééducation, d’hôpitaux ou encore d’associations qui lui permettent d’investir dans un nouveau véhicule et de financer son projet d’Handi-road-trip qu’il souhaitait le plus inclusif possible.
Un nouveau véhicule donc, beaucoup plus grand, contenant un lit médicalisé, de grandes réserves d’eau et d’électricité et où « il y a un peu plus de confort et plus de possibilités ».

Un projet avec une âme anthropologique

Voir ce qui se fait ailleurs et rapporter en France ce qui marche. C’est une démarche anthropologique fondée sur l’observation et la comparaison entre différents pays, différentes cultures, différentes représentations du handicap et de son inclusion dans la société qu’entreprend Samuel à travers son road-trip.
Plus concrètement, son équipe met en place depuis la France, un réseau par le biais d’ambassades, constitué d’associations et d’acteurs divers auxquels Samuel et ses collègues viennent à leur rencontre.
Loin de se considérer comme un révolutionnaire, Samuel souhaite simplement rendre visible les initiatives existantes dans d’autres pays : « Je saisis les opportunités que j’ai de voyager pour rencontrer des gens, m’inspirer de ce qu’ils font concrètement en faveur du handicap et de les relayer auprès des autorités compétentes comme le secrétariat d’Etat en charge des personnes handicapées », nous raconte-t-il.

Lorsque nous lui demandons quel regard il porte sur l’évolution des mentalités françaises en matière d’inclusion du handicap, celui-ci se veut plutôt optimiste : « J’ai conscience que ces choses-là prennent du temps, mais je suis persuadé qu’elles évoluent dans le bon sens. Il y a tant des choses à voir dans d’autres pays, à prendre, à recomposer pour essayer de les implanter chez nous et je pense que nous sommes prêts à le faire, mais en étant armés de beaucoup de patience ».

Observe-t-il des initiatives plus novatrices ailleurs ? « Oui !», nous répond Samuel avec assurance. « Il y a plus de moyens aux États-Unis avec des associations, des œuvres caritatives et des lobbies qui ont beaucoup de ressources, qui sont très puissantes et qui exercent un poids conséquent dans la prise de décision politique. Cette culture du don et du lobbying très ancrée donne lieu à beaucoup de changements rapides et à la construction de centres adaptés derniers cris. Tandis qu’en Amérique du Sud c’est plus dans les rapports humains que les différences se remarquent. Il y a une vraie culture de l’entraide. Les gens ne regardent pas ton fauteuil, ils te regardent dans les yeux. En Chine aussi c’était très différent. Par exemple, je n’avais pas le droit de déclarer que je conduisais avec mon fauteuil. Au Japon, les structures sont très adaptées aux handicapés car on est dans une culture où il ne faut pas solliciter l’autre… etc. En France, nous avons une autre culture. Au moindre changement, on râle (rires). Mais je trouve que cette démarche comparative permet de relativiser beaucoup la situation en France. Pour que les choses avancent, il faut des lois mais aussi des images. Mon rôle, c’est de fournir des images. »

« Il faut des images pour montrer concrètement que des dispositifs existent ailleurs en matière d’inclusion sociale du handicap. » 

Le voyage pour apprendre à se connaître ? 

Aussi bien dans notre imaginaire collectif que dans les significations que l’on prête à nos expériences, les discours portant sur les aspects initiatiques et introspectifs des voyages sont souvent présents dans les récits d’aventuriers. Des considérations avec lesquelles Samuel nous invite à prendre de la distance : « Je pense qu’il faut se méfier de ce que l’on met derrière le mot « voyage ». On peut faire du gros tourisme et revenir encore plus bête que l’on était au moment du départ, ou bien partir en essayant d’être autonomes et en se mettant au même niveau que les gens qui nous entourent et chercher à vivre une expérience humainement riche ».

« Pour évoluer, il faut le vouloir en cherchant à se confronter à d’autres réalités. Il faut mettre les mains dans le cambouis. Et ça se prépare avant, pendant et après le voyage. »

Toutefois, pour notre vanlifeur, outre son besoin de retrouver une forme d’autonomie par le biais de la vanlife, ce mode de voyage semble également représenter une forme d’échappatoire face à une société française où « les regards peuvent être parfois difficiles à supporter au quotidien ». Ainsi, faire la démarche de partir et de revenir avec des éléments observés dans d’autres sociétés lui permet de « devenir acteur de sa société et non plus seulement un spectateur ». Une démarche d’autant plus nécessaire pour lui, qu’elle permet de nourrir ses différentes interventions au sein d’établissements scolaires et des organisations. Des rencontres que Samuel souhaite le plus vivant possible : « Je n’aime pas le bla-bla complaisant. J’aime quand ça bouscule, que les choses avancent. Ça n’est possible que si l’on bouge voir ce qu’il se passe ailleurs. »


Des destinations à couper le souffle

Au volant de son fourgon aménagé, Samuel a parcouru pas moins de 75 000 km répartis sur 3 continents, comme il nous le raconte : « J’ai passé 6 mois en Amérique du Nord, 4 mois et demi en Asie et 4 mois en Amérique du Sud en passant par l’Antarctique. J’ai beaucoup fait du sauvage et très peu de villes. »

Si trouver un endroit pour poser son fourgon durant la nuit a parfois pu lui poser problème, ce sont pourtant ces défis qu'apprécie tout  particulièrement Samuel : « Pour trouver des spots, j’utilisais soit des applications locales sur mon téléphone ou bien je demandais aux gens. Je me laissais surprendre. Je galérais un peu, mais c’est ça qui est cool dans la vanife. Parfois, je n’y arrivais pas donc je me retrouvais à dormir sur des parkings de supermarchés. Mais lorsqu’il m’arrivait de tomber sur des spots inexplorés, là c’était vraiment chouette. »

Parmi ses nombreux voyages, l’Asie a particulièrement marqué Samuel. Pour lui, la Chine est un pays radicalement différent du nôtre, où s’il a été agréablement surpris par une réalité différente de l’image qu’il pouvait en avoir à l’origine, il a parfois été confronté aux limites du régime autoritaire. Cela a notamment pu se ressentir en van où il a dû être accompagné par un guide durant ses déplacements : « C’est plus difficile de sortir des sentiers battus dans tous les sens du terme », nous avoue-t-il.

Dernier voyage en date et pas des moindres : l’Antarctique ! Une destination d’autant plus impressionnante que Samuel est la première personne tétraplégique au monde à en fouler le sol. Et de l’Antarctique, c’est lui qui en parle le mieux : « On y est allé en bateau et on y est resté 20 jours. Les icebergs, les baleines, les pingouins… c’était magique. Un lieu hors du temps. Je n’ai pas besoin de revoir les photos car tout est encore gravé dans ma tête. Ce qui m’a le plus marqué, c’était le silence, le fait qu’il n’y ait personne et pas d’habitations dans les alentours. Ça m’a fait beaucoup de bien de voir de la vraie nature et d’écouter le vrai silence ».

Pour terminer notre entretien, comme il est coutume chez Heode de le demander à chaque invité, Samuel nous a partagé une œuvre liée à son désir d’ailleurs. Il s’agit du livre Latitude 0 du célèbre aventurier Mike Horn. Une figure inspirante et motivante pour notre aventurier, et pour qui Mike Horn possède « une grande capacité à transmettre l’énergie nécessaire pour affronter le quotidien ». Comme quoi, tout se tient !


Si le parcours de Samuel Marie vous inspire vous aussi, vous pouvez suivre ses aventures qu’il partage régulièrement sur son Instagram @samfaitrouler, en consultant son site internet www.samfaitrouler.fr et en retrouvant son livre Avance Bordel ! aux Editions Dunod.



Crédits photos : Samuel Marie 
Rédacteur : Vivien Cocquet-Huard