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Aider les jeunes isolés avec un van aménagé : la vanlife de l'association SAMI
« Grâce à notre van, nous sortons du cadre institutionnel classique. Cela devient alors plus facile pour les jeunes de nous accorder leur confiance. »
Parce que nous aimons les portraits insolites et inoubliables chez Heode, nous sommes partis à la rencontre de vanlifeurs pas comme les autres, en ce début de printemps sur les routes !
C’est en commandant sur notre e-shop certains de nos mobiliers en kit l’été dernier pour l’aménagement de leur van "Marcel" que nous avons par hasard fait la connaissance de Céline et de Marion. Toutes deux sont éducatrices spécialisées, et forment le binôme de choc du SAMI.
Le Service d’Accrochage et de Mobilisation des Invisibles est un service créé en 2020 par l’Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfance à l’Adolescence (ADSEA) en Eure-et-Loir.
L’équipe Heode est très fière de savoir qu’elle participe d’une certaine façon à la mise en œuvre d’associations comme le SAMI. Nous remercions sincèrement l’association ADSEA de donner du sens à ce que nous entreprenons et de nous permettre de réaliser que nous allons ensemble vers ce que nous estimons être la bonne direction pour un monde meilleur.
Si l’action de l’ADSEA se concentre sur les enfants et adolescents de 6 à 21 ans, le SAMI intervient de façon plus marginale en se focalisant sur les jeunes de 16 à 29 ans vivant en dehors des écrans-radars des services d’insertion professionnelle traditionnels.
En effet, leur isolement en zones rurales rend difficile l’accompagnement de ces jeunes qui n’ont souvent pas connaissance des aides auxquelles ils sont pourtant en droit de prétendre.
C’est donc pour rompre leur isolement et dans une démarche d’accompagnement de ces jeunes que Céline et Marion, à bord de Marcel, se rendent dans les lieux stratégiques des petits villages du département pour tenter de les repérer, les accrocher et les mobiliser.
Leurs buts ? Réinsérer les jeunes ruraux isolés dans un parcours professionnel, les rediriger vers d’autres personnes-ressources, ou tout simplement partager un moment d’échange avec eux autour d’un café au sein de leur van aménagé.
Rencontre passionnante avec Céline et Marion, entre deux déplacements sur les routes euréliennes !
Marion, Céline, pouvez-vous nous parler de votre rôle au sein du SAMI et de sa raison d’être ?
« La prise en charge par le SAMI diffère d’un service d’aide sociale à l’enfance classique. Le service proposé qui est le plus proche du nôtre est la prévention spécialisée, ou les « éducateurs de rue » qui vont opérer dans les quartiers. Leur but n’est pas seulement d’accompagner les jeunes de 16 à 21 ans, mais aussi de mobiliser leurs parents, voire l’ensemble de leur environnement proche. Par exemple, accompagner les parents à l’aide aux devoirs, réaliser des demandes administratives diverses… tout cela fait partie du quotidien de ces éducateurs spécialisés.
Nous sommes aussi des éducatrices de rue, mais à la campagne ! Nous stationnons notre fourgon aménagé quelque part de façon à ce que nous soyons visibles pour rencontrer les jeunes en difficulté par ce biais-ci. Nous allons aussi à la rencontre de partenaires, comme le centre médico-psychologique local qui peut faire le lien entre nous et le jeune si ce dernier se retrouve particulièrement isolé et qu’il a besoin d’un accompagnement.
C’est la raison de notre volonté d’accompagner les invisibles. »
Qui sont les invisibles ?
« Le terme d’invisibles est lié à cette idée que par leur éloignement géographique des villes, certains jeunes ruraux isolés et dans une situation précaire sont rendus invisibles aux yeux des services auxquels ils pourraient prétendre.
Leur existence commence toutefois à émerger sur la place publique et à faire l’objet d’un intérêt de la part des autorités.
On parle beaucoup, en effet, des jeunes de quartier, mais on ne parle jamais de ceux vivant dans les territoires ruraux, dans la mesure où ils sont moins représentés dans les médias et dans les discours politiques.
Nous utilisons également ce terme car, contrairement aux jeunes urbains, les ruraux vont avoir paradoxalement moins tendance à se retrouver dehors. Leur vie sociale s’exerce principalement au sein de la maison. Si un jeune est le seul de sa génération à habiter dans un hameau, il aura alors tendance à se replier sur lui-même et à s’enfermer dans sa chambre.
Parfois, ces jeunes vivent avec des parents qui n’ont pas nécessairement les moyens de les emmener en ville régulièrement, ce qui peut créer une forme de découragement si les services disponibles sont inaccessibles, et ne leur permettent pas de pouvoir trouver une porte de sortie à leur situation. On a alors un cercle vicieux qui se crée.»
« On essaie de lever les freins qui empêchaient ces jeunes de construire un environnement favorable à leur réinsertion. On veut recréer une dynamique. »
Quelle différence d’accompagnement y a-t-il entre des jeunes isolés que vous rencontrez dans les campagnes et ceux habitant dans un environnement plus urbain ?
« Parmi les jeunes que nous avons rencontré en milieu rural, nous retrouvons le plus souvent des personnes qui présentent des difficultés à se repérer dans le monde qui les entoure.
Ce sont plutôt des jeunes qui se retrouvent sans solution à la sortie d’un parcours scolaire compliqué et mal adapté, qui vont essayer de se débrouiller au jour le jour par le biais de leurs sociabilités locales.
Tandis que dans les quartiers, les solidarités sont différentes et les jeunes auront un accès plus facile aux services d’accompagnement comme le Pôle Emploi, des assistantes sociales, des associations etc. »
Concrètement, comment se manifeste votre accompagnement au quotidien ?
« Notre accompagnement se déroule en trois temps, en commençant par une phase de repérage. Le camion nous permet de pouvoir déambuler dans les zones les plus rurales du sud du département de l’Eure-et-Loir. Il est très important pour nous de repérer s’il y a un abris-bus, un terrain de foot, ou tout autre lieu stratégique qui nous permettrait de reconnaître des potentiels points de rencontres et de sociabilités entre les jeunes.
Dans un second temps, nous évoluons vers une phase d’accrochage. Cela signifie que nous entrons en relation avec les jeunes repérés par différents moyens. Par exemple, nous avons toujours avec nous un ballon de foot et de basket. Nous disposons également d’une table et de chaises de camping qui nous permettent de créer un espace accueillant en extérieur.
Enfin, dès lors que l’on accroche avec les jeunes et qu’ils viennent dans le camion, nous mobilisons. En échangeant avec eux, nous déterminons ensemble leurs besoins et trouvons des solutions pour sortir de l’isolement. »
Comment parvenez-vous à vous adapter en cette période de pandémie où les deux confinements récents ont fortement réduits les possibilités de rencontres entre les jeunes ?
« Les phases de confinement ne nous aident pas, c’est certain, mais nous connaissons pas mal de monde habitant les villages que nous sillonnons quotidiennement.
Ces personnes-là sont des ressources très importantes pour nous car elles agissent en relais entre les jeunes isolés qu’ils peuvent connaître dans leur entourage et le SAMI.
De même qu’avec les jeunes, une fois que la relation de confiance est installée entre eux et nous, ils peuvent agir en ambassadeurs en nous recommandant auprès d’autres personnes de leur entourage.
Les réseaux sociaux sont également une porte d’entrée très importante pour établir un premier contact. C’est une solution beaucoup moins formelle et stressante que pourrait représenter un appel classique à une assistante sociale. »
Avez-vous des « stratégies » pour signifier votre présence auprès du tissu local ?
« Ce que nous aimons faire en période sans confinement (rires), c’est de nous poser à proximité des terrasses des PMU du coin et de revenir régulièrement afin d’habituer les jeunes à notre présence.
De plus, cette présence récurrente permet à la population locale de nous connaître aussi, au-delà des partenaires institutionnels avec lesquels nous avons l’habitude de travailler.
En discutant avec la boulangère, le patron de café ou le buraliste du coin, nous arrivons à imprimer notre présence auprès des figures locales qui peuvent faire le lien entre les jeunes en difficultés qu’ils connaissent et nous, grâce au bouche-à-oreille. »
Pourquoi avoir recouru au choix d’un van aménagé en particulier pour accomplir votre mission ?
« C’était à l’essence du projet. Il était important pour nous d’avoir ce bureau mobile, car nous ne pouvons pas forcément nous rendre directement au domicile du jeune. C’est en effet plutôt délicat de gagner la confiance de familles dont la plupart ont déjà connu un parcours institutionnel avec des éducateurs et des assistantes sociales pouvant parfois alimenter une culture de la défiance.
Grâce à notre van, nous sortons du cadre institutionnel classique et rendons le contact avec les jeunes moins formel. Cela devient plus facile pour eux de nous accorder leur confiance et entamer un parcours d’accompagnement.
Le camion va avec notre manière de travailler, nous essayons autant que possible de sortir de l’image du rendez-vous avec un éducateur assis derrière son bureau, ce qui peut parfois être intimidant. »
Justement, comment avez-vous aménagé ce bureau mobile ?
« Nous avions récupéré un Renault trafic l’année dernière, que nous avons aménagé à l’aide d’un kit commandé chez Heode il y a quelque mois. On l’a aménagé en bureau mobile avec la banquette et la table au milieu qui nous permet de pouvoir nous installer confortablement. Nous avons transformé le kit cuisine en un meuble dont on a découpé un des côtés pour y installer une imprimante à laquelle nous pouvons accéder depuis la banquette.
Nous avons également pas mal de rangements pour classer des documents, ranger des jeux et de la vaisselle.
Nous avons réussi à créer un espace propice à l’échange avec le mobilier à l’intérieur du van, mais aussi à l’extérieur avec une table et des chaises de camping durant les beaux-jours. On peut vraiment tout faire.
Comme nous sommes tous des bricoleurs au sein de l’équipe, nous avons installé un système électrique qui nous permet d’être complètement autonome avec deux batteries auxiliaires rechargeables. C’était très important pour nous d’avoir cette autonomie électrique, car nous avons nos ordinateurs portables pour travailler et faire des recherches et lancer des impressions directement s’il faut réaliser des lettres de motivation ou des CV par exemple. »
Comment avez-vous imaginé les fonctionnalités que vous souhaitiez donner à votre fourgon ?
« Nous avions réfléchi à l’aménagement du camion avec notre coordinateur de projet. Ce qui était intéressant avec les kits c’est que nous pouvions pré-visualiser ce que cela pouvait donner.
Comme on ne se déplace que très rarement chez eux, le but était véritablement d’avoir un lieu mobile où l’on puisse travailler et recevoir confortablement tout en étant fonctionnel. C'était la ligne directrice de notre projet. »
Vous avez choisi nos mobiliers en kit pour l’aménagement de votre van, comment avez-vous trouvé leur installation ?
« Que ce soit notre coordinateur ou nous deux, nous avions tous déjà aménagé notre propre van et nous savions déjà globalement vers quoi nous tourner en termes d’aménagement.
Après avoir comparé plusieurs possibilités sur différents sites mais qui étaient moins personnalisables, nous avions finalement opté pour vos mobiliers en kit car nous apprécions beaucoup leur aspect modulable et personnalisable.
Par ailleurs, l’aménagement du van a été très bénéfique pour notre cohésion d’équipe. On y avait même intégré un jeune que l’on avait repéré et qui avait pu nous donner un coup de main.
C’est justement ce vers quoi nous souhaiterions tendre progressivement, c’est-à-dire l’idée que le camion devienne aussi leur lieu de vie à ces jeunes que nous approchons. »
Qu’est-ce que le fait de travailler dans un van plutôt que dans une permanence fixe change pour vous au quotidien ?
« Pouvoir travailler dans le camion permet de rendre le travail d’accompagnement plus facile dans la mesure où ce sont nous qui allons vers eux.
Si on doit accompagner un jeune à un rendez-vous, on peut l’emmener avec notre camion. Il monte à côté de nous et on roule. Le fait de rouler et de regarder ensemble dans la même direction, forcément, cela délie les langues et on peut échanger naturellement en faisant tomber certaines barrières qui pouvaient exister.
De plus, nous prenons tout le temps qu’il faut avec le jeune. S’il a besoin de notre présence pendant 2 heures au lieu d’1 heure, alors on s’adapte à sa demande. Nous sommes véritablement plus dans une démarche qualitative que quantitative. »
Quel bilan faites-vous de votre initiative après un an d’existence ?
« Le SAMI a vu le jour suite à l’appel à projets lancé par la DIrection Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE) notre financeur, qui naturellement a certaines attentes de résultats par rapport à notre objectif fixé ensemble.
Sur deux ans, nous avions pour ambition d’avoir repéré 300 jeunes que nous considérons comme isolés, 100 d’accrochés et 80 de mobilisés.
Aujourd’hui et ce, malgré la situation sanitaire, nous en sommes à 214 jeunes repérés, une quarantaine d’accrochés et 18 de mobilisés (qui ont réellement entamé des démarches de réinsertion professionnelle). Donc pour un bilan de mi-parcours, nous sommes pas trop mal ! »
Quels sont vos projets pour la suite, Céline et Marion ?
« Notre mission est de montrer que le SAMI est important et qu’il est utile. On aimerait beaucoup que cette initiative puisse se pérenniser au-delà des deux ans fixés initialement. Il y a des jeunes invisibles et les chiffres le montrent. Même si elle n’est pas forcément évidente au premier abord, il y a une véritable demande d’accompagnement chez ces jeunes isolés, et nous l’observons un peu plus encore à chacune de nos rencontres avec eux.
Nous essayons de mettre en lien des professionnels avec des jeunes dans le cadre d’une insertion progressive en les faisant, par exemple, travailler durant une à deux heures par jour dans l’attente d’être prêts à effectuer pleinement une journée de travail.
Toujours sur le plan de l’informel, nous aimerions beaucoup durant l’été, emmener des jeunes à des festivals notamment, afin de leur faire découvrir d’autres horizons.
De plus, nous avons quelques projets de voyages humanitaires en France ou à l’étranger, toujours dans l’idée que le voyage et le fait d’être en mouvement sont bénéfiques et nous permettent de grandir davantage. Nous voudrions montrer à nos jeunes que voyager permet d’esquisser d’autres potentialités, d’autres horizons de vie.
Nous fourmillons d’idées, mais nous aimerions surtout faire vivre celles des jeunes, et ils sont très imaginatifs ! C’est véritablement la raison d’être de notre association que nous retrouvons ici : Celle d’accompagner ces jeunes. Il ne s'agit pas seulement de les suivre vers l’emploi, mais surtout de les aider à réaliser leurs rêves en leur donnant accès à des choses auxquelles ils ne pensaient pas avoir droit, et qui pourtant sont de l’ordre du possible. »
Pour suivre l’évolution du SAMI et les aventures de Céline et Marion sillonnant les routes de l’Eure et Loir, retrouvez-les sur leur compte Instagram et leur page Facebook.
Vous pouvez également en apprendre un peu plus sur les actions de l’ADSEA 28 sur leur site internet.
Crédits photo : ADSEA 28
Rédacteur : Vivien Cocquet-Huard